Sommaire
- 1 Introduction d’un cas d’école, en exemple 😉
- 2 Dans la Presse : Parution sur Jeudi 20 Janvier 2022
- 3 Texte Brut : Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2020, n° N° RG 16/15248
- 4 GECI International: la Cour d’appel confirme le jugement
- 5 Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2020, n° N° RG 16/15248 –> Décision.pdf à télécharger
- 6 URL sur le Site de Doctrine : 1re plateforme d’intelligence juridique
Introduction d’un cas d’école, en exemple 😉
L’Association A3A s’appuie sur des situations similaires comme exemple pour démontrer que la voix des Actionnaires, même minoritaire est entendue dans les procédures judiciaires.
Depuis l’annonce de la Cour d’Appel en faveur des Actionnaires, l’action de Geci est repartie à la hausse avec +62% !
Dans sa décision en date du 20 janvier 2022, la Cour d’appel de Paris a statué sur le litige opposant la société GECI International (« la Société ») et 13 actionnaires, en rapport avec l’examen litigieux de certains de ses communiqués de presse relatifs à son pôle aviation qui a été liquidé en 2013 faute de financement du programme aéronautique Skylander.
En synthèse ci-dessous, quelques copies d’écran et les textes originaux complets, plus bas.
Dans la Presse : Parution sur Jeudi 20 Janvier 2022
Zone Bourse : GECI International : Communiqué de Presse Décision Cour d’Appel
25/01/2022 | 18:17
Bourse Direct : Geci International : la Cour d’appel de Paris confirme le jugement de première instance
25/01/2022 18:17
L’EST Républicain : Skylander : Serge Bitboul condamné à indemniser 18 actionnaires
22 janv. 2022 à 06:00
Républicain Lorain : Skylander : Geci International va devoir rembourser 11,1 M€ à la Région
03 mai 2021 à 18:44
Boursorama : GECI INTERNATIONAL : Communiqué de Presse
25/01/2022 à 18:05
Texte Brut : Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2020, n° N° RG 16/15248
Texte intégral
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 1
9e chambre 1re section
N° RG 16/15248 – N ° P o r t a l i s 352J-W-B7A-CJACG N° MINUTE : 10 JUGEMENT rendu le 02 Mars 2020
Assignation du : 11 Octobre 2016
DEMANDEURS
Madame , intervenant volontaire […]
Madame , intervenant volontaire […]
Monsieur intervenant volontaire […]
Monsieur 568 Chemin du Rivier de Saint-Chef 38890 SAINT-CHEF
Monsieur X […]
Monsieur […]
Expéditions exécutoires délivrées le:
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Monsieur […]
Monsieur […]
Monsieur […]
Monsieur […]
Monsieur […]
Monsieur […]
Monsieur […]
représentés par Maître Johann LISSOWSKI de la SELEURL LISSOWSKI Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2067
DÉFENDEURS
Monsieur Z Y […]
représentés par Maître Céline FREHI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J100
COMPOSITION DU TRIBUNAL Emilie CHAMPS, Vice-Présidente Vincent BRAUD, Vice-Président Gilles REVELLES, Vice-Président
assistés de Sonia BOUCETTA, Faisant fonction de greffier lors des débats et de Celia BARRIÈRE, Greffier lors de la mise à disposition au greffe.
DÉBATS A l’audience du 28 Octobre 2019 tenue en audience publique devant Emilie CHAMPS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties,
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en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2020 puis prorogée au 10 février 2020 et 02 mars 2020.
JUGEMENT Rendu publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort
********************
EXPOSE DU LITIGE La SOCIETE GECI INTERNATIONAL, société cotée sur le marché Euronext New York Paris, holding à la tête d’un groupe portant le même nom et dirigé par M. Z Y, comptant environ 12.000 actionnaires, a entrepris, à partir de septembre 2008, deux programmes portant sur la construction d’aéronefs nommés « Skylander » et « F- 406 ».
Le programme dit « Skylander » était destiné à réunir les financements nécessaires à la conception, le développement et la commercialisation à un prix compétitif d’un avion bi-turbopropulseur à décollage et atterrissage courts d’une capacité de 19 passagers ou trois tonnes environ de fret dans des conditions climatiques extrêmes. S’agissant du programme dit « F-406 », il visait à réunir les financements requis pour la conception et l’assemblage d’un avion dit « F-406 » doté de deux turbines et permettant le transport de 14 passagers ou de fret.
Les deux programmes étaient conçus pour être mis en œuvre principalement à travers trois filiales du groupe : la Société Reims Aviation Industries, la Société Geci Aviation et la Société Skylander.
Entre juin 2009 et février 2012, la SOCIETE GECI INTERNATIONAL a conclu plusieurs avant-contrats en vue de commandes de « Skylander » ou « F-406 ».
Au cours de cette période, un seul F-406 a été livré et le financement du programme Skylander n’a pas abouti.
La cotation des actions du groupe SOCIETE GECI INTERNATIONAL a été suspendue, à sa demande, à partir du 7 juin 2012.
Les deux programmes ont été abandonnés en lien avec le placement en liquidation judiciaire prononcé pour les trois filiales déjà citées : le 16 avril 2013 pour la Société Skyaircraft, et, à la suite de la cession des activités portant sur les deux programmes aéronautiques à des sociétés tierces, le 17 avril 2014 pour la Société Reims Aviation Industries et la Société Geci Aviation.
La publication le 30 novembre 2013 des comptes de l’exercice 2011/2012 faisait apparaître un refus de certification des commissaires aux comptes.
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Les comptes sociaux consolidés de l’exercice 2012/2013 ont quant à eux été publiés suivant avis au Bulletin des annonces légales obligatoires en date du 16 juin 2014.
Le 30 septembre 2014, la SOCIETE GECI INTERNATIONAL a informé les actionnaires de sa nouvelle stratégie.
Le 11 mars 2016, la suspension de la cotation de l’action a pris fin. * Par acte d’huissier délivré le 11 octobre 2016, dix actionnaires ont fait assigner devant cette juridiction la SOCIETE GECI INTERNATIONAL et M. Z Y en indemnisation.
Il s’agit de : – qui avait qui acquis 22.860 actions GECI INTERNATIONAL, au prix de 2,41 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 55.092,60 euros ; – qui avait acquis 55.014 actions de GECI INTERNATIONAL, au prix de 2,29 euros et 1,51 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 102.850 euros ; – qui avait acquis 33.192 actions de GECI INTERNATIONAL, au prix de 3,03 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 100.571,75 euros ; -M. qui avait acquis 307.842 actions de GECI INTERNATIONAL, au prix de 3,01 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012 pour un montant total de 1.041.038,4 euros ; -M. qui avait acquis 23.722 actions de GECI INTERNATIONAL, au prix de 2,01 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 47.681, 22 euros ; -M. qui avait acquis 35.000 actions de GECI INTERNATIONAL, au prix de 2,48 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 86.800 euros ; -M. qui avait acquis 35.499 actions de GECI INTERNATIONAL, parmi lesquelles 19.703 au prix de 3,10 euros l’action, et 15.796 actions au prix de 2,82 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 105.624 euros ; -M. qui avait acquis 13.515 actions de GECI INTERNATIONAL, parmi lesquelles 9.377 actions au prix moyen de 4.70 euros l’action, et 4.138 actions au prix moyen de 4,34 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 62.029 euros ; -M. qui avait acquis 14.793 actions de GECI INTERNATIONAL, au prix de 4,33 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 64.053 euros ; -M. qui avait acquis 36.100 actions de GECI INTERNATIONAL, au prix de 2,73 euros l’action, avant la suspension du titre de la cote le 7 juin 2012, pour un montant total de 98.553 euros.
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Par des conclusions d’intervention volontaire du 7 février 2017, trois actionnaires se sont constitués intervenants volontaires :
— Madame qui avait acquis 28 771 actions GECI INTERNATIONAL au prix de 6,51 euros l’action, avant la suspension du titre, pour un montant total de 187.299 euros ; -Madame qui avait acquis 8.943 actions GECI INTERNATIONAL à un prix par action variant entre 4,12 euros et 4,70 euros, avant la suspension du titre, soit un montant total de 38.595 euros ; -M. avait acquis 8.934 actions GECI INTERNATIONAL à un prix par action variant entre 3,23 euros et 3,63 euros, avant la suspension du titre, soit un montant total de 30.475 euros. * Vu les dernières écritures notifiées le 24 novembre 2017 pour les Demandeurs et intervenants volontaires précités, qui concluent dans les termes suivants : « Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil ; Vu les articles L.225-252 et L.225-254 du Code de commerce ; Vu l’article L.465-2 du Code monétaire et financier alors en vigueur ; Vu l’article s 223-1 du Règlement Général de l’Autorité des marchés financiers ; Vu l’article 632-1 du Règlement Général de l’Autorité des marchés financiers alors en vigueur ; Vu l’article 12 du Règlement européen 596/2014 du 16 avril 2014, sur les abus de marché, entré en vigueur le 3 juillet 2016 ; Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats ;
Il est demandé au Tribunal de recevoir les demandeurs et les intervenants volontaires en leurs moyens, fins et prétentions, les dire bien fondé et ce faisant :
CONSTATER qu’entre 2009 et 2012, GECI INTERNATIONAL a diffusé des informations fausses et trompeuses concernant le programme de financement du SKYLANDER, le carnet de commandes du SKYLANDER, l’augmentation des capacités de production de GECI AVIATION, les perspectives et objectifs de production du SKYLANDER, la date de livraison du premier SKYLANDER, le carnet de commande du F-406, et la commande chinoise portant sur les F- 406 ; En conséquence ; DIRE ET JUGER que GECI INTERNATIONAL et Monsieur Y, Président Directeur-Général de la société, ont manqué aux exigences d’exactitude et de sincérité sur les informations transmises ; CONSTATER que les demandeurs et les intervenants volontaires ont acquis ou conservé leurs actions GECI INTERNATIONAL, au vu de ces informations fausses et trompeuses sur la situation de la société ; CONSTATER que les demandeurs et les intervenants volontaires ont subi un préjudice personnel financier en ce que les informations fausses et trompeuses les ont privées de l’opportunité de mieux investir leur argent ; En conséquence ; CONDAMNER GECI INTERNATIONAL et Monsieur Y B C à payer : -A , une somme de 51.435 euros, avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la délivrance de l’assignation,
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en réparation du préjudice financier qu’il a subi ; -A
;
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Vu les dernières écritures notifiées le 24 septembre 2018 pour la SOCIETE GECI INTERNATIONAL et M. Z Y, qui concluent dans les termes qui suivent :
« Vu l’article L225-254 du Code de commerce, Vu la jurisprudence citée, Vu les pièces versées aux débats, Il est demandé au Tribunal de Grande Instance de céans de :
— Constater que les demandeurs n’établissent pas que la société GECI INTERNATIONAL aurait diffusé une information fausse et trompeuse concernant le programme de financement SKYLANDER, le carnet de commandes du SKYLANDER, l’augmentation des capacités de production de GECI AVIATION, les perspectives et objectifs de production du SKYLANDER, la date de livraison du premier SKYLANDER, le carnet de commande du F-406 et les commandes chinoises, -Juger en conséquence que les demandeurs n’établissent pas l’existence d’une faute commise d’un préjudice et d’un lien de causalité par la société GECI INTERNATIONAL, -Débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes formées à l’encontre de la société GECI INTERNATIONAL -Juger prescrite l’action diligentée à l’encontre de Monsieur Z Y en sa qualité de Président Directeur Général de la société GECI INTERNATIONAL, -Subsidiairement, Juger que Monsieur Z Y n’a commis aucune faute, -Débouter en conséquence les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes formées à l’encontre de Monsieur Z Y, A titre reconventionnel, -Condamner les demandeurs à réparer le préjudice qu’ils ont causé à la société GECI INTERNATIONAL et à Monsieur Z Y en portant atteinte à leur image et en conséquence, les condamner à régler la somme de 100.000 euros. En tout état de cause, – Condamner les demandeurs à régler la somme de 10.000 euros à la société GECI INTERNATIONAL et à Monsieur Z Y ainsi qu’aux entiers dépens. -Rejeter la demande en condamnation de la société GECI INTERNATIONAL et de Monsieur Z Y à leur régler la somme de 52.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile » ;
Vu l’article 455 du Code de procédure civile, en application duquel il est fait expressément référence aux écritures susvisées pour un exposé plus ample du litige, des prétentions, moyens et arguments des parties ;
Vu l’ordonnance de clôture du 29 octobre 2018 ;
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MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la discussion du fondement juridique de l’action La SOCIETE GECI INTERNATIONAL et M. Z Y discutent dans le corps de leurs écritures le fondement juridique de l’action introduite par voie d’assignation du 11 octobre 2016, en tant qu’elle vise l’article L 465-1 du Code monétaire et financier et l’article L 632-1 du Règlement AMF, pour opposer que ces dispositions n’étaient plus en vigueur à la date de l’assignation.
L’examen de l’assignation fait apparaître que ces dispositions étaient citées en sus de l’article 1382 devenu 1240 du Code civil et L 225-252 du Code de commerce et que l’ensemble des fondements visés étaient suivis de demandes en indemnisation de la perte d’une chance résultant de la diffusion d’informations fausses et trompeuses. Il apparaît que l’assignation mettait ainsi les Défendeurs suffisamment en mesure d’identifier la nature et l’objet de l’action engagée à leur encontre.
Il s’ensuit que la critique tirée de fondements juridiques erronés n’est pas opérante.
II- Sur le moyen tiré de la prescription de l’action en tant que dirigée contre M. Z Y Selon les dispositions de l’article L 225-254 du Code de commerce, l’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation.
Il résulte d’une jurisprudence constante qu’en cas de faits dommageables successifs, la révélation intervient lorsque les associés ont connaissance de la totalité des opérations (Cass. com., 21 octobre 1974, Bull. civ. 1974, IV, n° 257).
En l’espèce, l’action engagée le 11 octobre 2016 fait suite à la publication, suivant avis au Bulletin des annonces légales obligatoires du 16 juin 2014, des comptes sociaux et consolidés de l’exercice 2012/2013. La date de l’avis au Bulletin des annonces légales obligatoires est pertinente pour établir le moment auquel les actionnaires ont eu la possibilité de constater le caractère inexact de plusieurs informations diffusées successivement entre 2009 et 2012, tel qu’il est reproché à M. Y en sa qualité d’émetteur et a minima de dirigeant social tenu de connaître la teneur de l’information diffusée.
Le moyen tiré de la prescription sera donc rejeté.
III- Sur la caractérisation d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses En application d’une règle de jurisprudence constante, revêt un caractère personnel le préjudice des actionnaires d’une société ayant été incités à investir dans les titres émis par celle-ci et à les conserver en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d’une rétention d’information et d’une présentation aux actionnaires de comptes inexacts. Celui qui acquiert ou conserve des titres émis par
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voie d’offre au public au vu d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice perd seulement une chance d’investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé (Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-21.547 et 08- 21.793, P+B).
Il est de droit constant que l’exactitude de l’information diffusée s’apprécie au jour de la diffusion.
Par ailleurs, de cette règle de jurisprudence, il se déduit, contrairement aux moyens des Défendeurs, que cette action : -ne suppose pas que la preuve soit rapportée que l’information litigieuse ait été de nature à agir sur le cours de l’action, -autorise l’investisseur qui invoque une désinformation à agir contre la société et ses représentants légaux, lesquels ne peuvent ignorer la teneur des communiqués émis par la société quels qu’en soit les rédacteurs, -n’est pas soumise à la condition que les fautes imputées au dirigeant revêtent un caractère intentionnel, d’une particulière gravité et incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales.
En l’espèce, les Demandeurs soutiennent que la SOCIETE GECI INTERNATIONAL et son dirigeant ont diffusé des informations fausses et trompeuses concernant le programme de financement de l’avion Skylander (1), concernant le carnet des commandes se rapportant à cet aéronef (2), ses capacités de production (3), ses perspectives et objectifs de production (4) et la date de livraison des premiers avions (5). Les Demandeurs soutiennent également que les Défendeurs ont diffusé des informations fausses et trompeuses concernant les cadences de production et le carnet des commandes de l’avion F-406 (6).
1- Sur le programme de financement du Skylander Les Demandeurs estiment que les annonces confiantes émises par les Défendeurs ont en réalité tendu à sous-évaluer le risque affectant le financement et la viabilité du programme Skylander.
Il ressort de l’examen des pièces produites que la SOCIETE GECI INTERNATIONAL a émis les communiqués ci-après :
— le communiqué du 7 avril 2008 indique un financement d’ensemble, tel qu’évalué par le « banquier-conseil » de la société, d’un montant global de 115 millions ;
— le communiqué du 16 juillet 2008 se rapportant aux résultats annuels 2007/2008 (p.2) chiffre à 115 millions le financement nécessaire ;
— le rapport financier annuel du 31 juillet 2008 pour l’exercice 2007/2008 (p.12) chiffre à 115 millions d’euros le financement nécessaire ;
— le rapport financier annuel du 31 juillet 2009 pour l’exercice 2008/2009 (p.13) expose les modes de financement du programme, notamment les aides auxquelles l’État et la Région Lorraine se sont engagées, sans spécifier de chiffrage global;
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— le rapport financier annuel du 6 août 2010 pour l’exercice 2009/2010 met à jour les indications précédentes (p.13) et retient le chiffre de 160 millions d’euros pour le financement du programme Skylander, y ajoutant un « besoin de financement de 10 millions d’euros pour le F- 406 » (p . 18). D’autre part, au titre de la rubrique « 2.4 Facteurs de risques », ce rapport spécifie les « risques liés au lancement de la phase industrielle du programme Skylander » (p.16) en ces termes : « Tout grand projet industriel, en particulier dans le domaine de l’aéronautique, présente, a priori, un risque de non aboutissement, de non obtention de la certification aéronautique ou de dépassement des coûts ou des délais ». Ce rapport donne, en outre, des explications quant aux précautions d’ordre technique et réglementaire prises pour limiter ces risques. La partie liée à cette catégorie de risque énonce qu’au demeurant, la filiale chargée de la mise en œuvre du programme « ne peut pas garantir que le développement du Skylander SK-105 ne connaîtra pas de retard ou de dépassement de coût, ni que la certification aéronautique sera obtenue dans les délais prévus. Si ces risques se matérialisent, cela pourrait affecter négativement la situation financière et les résultats futurs du pole Aviation » (p.17).
— le document de référence du 7 juin 2011 fait état, sous la rubrique « 10.5 Sources de financement attendues, nécessaires pour honorer les engagements » du même chiffrage (p.54) et indique que 64 millions d’euros ont été investis au 31 mars 2011. Le document donne ensuite un détail des modalités prévues d’obtention de 40 millions d’euros de financements publics et de 65 millions de financements privés. Le document de référence énonce : « L’obtention tardive de ce financement ne bloquerait pas l’avancement du programme, mais le retarderait, ce qui générerait un coût additionnel de 2 M€ environ par mois de retard» (p.55) ;
— le communiqué du 1er février 2012 chiffre à 215 millions d’euros le financement global nécessaire, expose des objectifs de production entre 2014 et 2030 de mille cinq cents Skylanders, indique un financement restant à assurer de 120 millions d’euros, et donne connaissance de ce qu’un protocole de financement de ce même montant a été conclu avec l’Etat, la région et des investisseurs privés ;
— le communiqué du 13 avril 2012 annonce que le protocole de financement est caduc compte tenu de l’estimation des experts mandatés par l’Etat chiffrant le surplus à financer à 200 millions d’euros à la place de 120 millions d’euros, et explicite les deux raisons pour lesquelles la société considère que l’estimation est excessive. Le communiqués mentionne trois points de désaccord concernant les modifications apportées par les experts sur le «business plan », pour ajouter que des investisseurs privés seront donc privilégiés ;
— le communiqué du 4 mai 2012 indique que, tant que les négociations sont en cours, il est recouru à un financement de trésorerie, à hauteur de 2 millions d’euros par mois au moins, par le recours au fonds d’investissement YA GLOBAL;
— le communiqué du 16 mai 2012 estime à 12 millions d’euros le coût supplémentaire résultant du retard dans la mise en place du financement et indique que des discussions sont en cours avec l’Etat, les investisseurs privés et des acteurs industriels. Le communiqué ajoute
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que les équipes du Skylander sont mobilisées autour de la réalisation des structures secondaires, la préparation et l’instrumentation des quatre premiers vols d’essai, pour un premier vol planifié en septembre 2013, une certification en septembre 2014 et les premières livraisons dès octobre 2014 ;
De l’examen global de ces éléments de communication, il apparaît que, si le financement total nécessaire tel qu’estimé a pu évoluer de 115 millions d’euros en 2008, à 160 millions d’euros en 2010, à 215 millions d’euros au 1er février 2012, à 295 millions d’euros en 2012 d’après l’estimation faite à la demande de l’Etat, contre 222 millions d’euros tels qu’incluant le retard de financement au 16 mai 2012, il ne se déduit pas de cette seule constatation que la hausse du coût global du programme ait procédé d’une intention de dissimulation. Les informations données entre 2008 et 2012, incluant deux avertissements émis en 2010 et 2011, font au contraire apparaître une communication exprimant l’évolution du chiffrage et l’expliquant par les coûts additionnels résultant du retard pris pour réunir l’intégralité des fonds nécessaires au programme.
S’agissant, en outre, du moyen des Demandeurs se référant à une interview donnée le 17 avril 2012 par M. Z Y, qui reprochent à ce dernier d’avoir, à cette occasion, affirmé qu’il n’y avait pas de problème de financement, il méconnaît les autres déclarations entourant ces propos, qui, en substance, contestent le chiffrage et l’hypothèse d’une production sans réception d’acompte tels que retenus par les experts mandatés par l’Etat.
S’agissant, au surplus, du reproche des Demandeurs qui soutiennent que la communication de la Défenderesse telle qu’elle ressort du communiqué du 16 mai 2012 précité créait l’apparence trompeuse d’une société qui aurait disposé de moyens financiers importants alors qu’en réalité elle était sur le point de déposer le bilan, il n’apparaît pas fondé, compte tenu de la poursuite annoncée de la recherche de financements alternatifs et du recours au fonds d’investissement YA GLOBAL. En effet, ces derniers éléments n’apparaissent pas, à la date du communiqué, comme incompatibles avec des perspectives de tests, de certification et de premières livraisons s’étalant entre septembre 2013 et octobre 2014. La suspension de la cotation à compter du 7 juin 2012 ne suffit pas davantage à établir que les perspectives de financement et de production étaient compromises à la date d’émission du communiqué.
Par conséquent, l’examen des informations se rapportant au financement du programme Skylander ne faisant pas apparaître de caractère inexact, imprécis ou trompeur, le moyen de ce chef sera rejeté.
2- Sur le carnet des commandes du Skylander Les Demandeurs considèrent que les annonces faites le 15 juin 2009, le 19 novembre 2009, le 13 août 2010, le 21 juin 2011, le 1er décembre 2011, le 2 février 2012, le 22 février 2012, traitant de protocoles d’accord, de « Memorandums of understanding », de lettres d’intention et de commandes fermes conclus avec des tiers en vue de la livraison de Skylanders étaient trompeuses car portant sur des commandes insuffisamment fiabilisées.
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Le communiqué du 21 juin 2011 dont se prévalent les Demandeurs ne saurait être utilement invoqué en la présente instance dans la mesure où son examen fait apparaître qu’il a été émis par la seule Société GECI Aviation, et non par la SOCIETE GECI INTERNATIONAL.
Il est de jurisprudence constante que les communiqués se rapportant aux carnet de commandes doivent indiquer la méthode de détermination suivie et qu’à défaut, il est considéré que le public n’a pas été mis en mesure d’apprécier leur signification (AMF CDS, 31 mars 2011, SAN- 2011-07 ; Cass. Com., 7 octobre 2014, n° 13-19538 ; AMF CDS, 5 juin 2015, SAN-2015-12).
L’examen des communiqués fait apparaître qu’il y est fait référence uniquement à des avant-contrats et plus particulièrement :
— le communiqué du 15 juin 2009 porte sur « deux protocoles d’accord » et annonce « 10 commandes d’avions pour un montant de 60 millions de dollars », dont 6 F-406 et 4 Skylanders et se réfère en sus à des « négociations en cours (180 appareils dont 70 pour le F-406 et 110 pour le Skylander) ». Ce communiqué mentionne le nombre de commandes et un montant global sans indication supplémentaire tenant aux notions d’avant-contrat et modes d’établissement des chiffres annoncés ;
— le communiqué du 19 novembre 2009 porte sur un protocole d’accord « pour la commande ferme » de 10 Skylanders et mentionne également un « portefeuille commercial du Skylander SK-105 qui s’élève aujourd’hui à plus de 600 avions, dont plus de 300 en cours de négociation ». Ce communiqué réfère à une commande de 10 avions et un portefeuille commercial sans précision tenant aux notions d’avant- contrat et modes d’établissement des chiffres annoncés ;
— le communiqué du 13 août 2010 indique que « le groupe dispose aujourd’hui d’accords protocolés pour un total de 29 avions, 15 F-406 et 14 Skylander SK 105, et qui représentent un portefeuille de près de 150 millions d’euros », et ajoute, s’agissant plus particulièrement du programme Skylander, que « Sky aircraft (…) dispose d’un portefeuille commercial qui porte aujourd’hui sur plus de 550 appareils. Dans ce portefeuille, quatorze avions font l’objet d’accords formels avec des clients sous la forme d’un Memorandum of Understanding (Protocole d’accord) ou de Letter of Intent (Lettre d’intention). Ces quatorze avions représentent un chiffre d’affaires de 75 millions d’euros ». Ce communiqué annonce 14 Skylanders faisant l’objet d’accords protocolés sans précision sur la notion d’avant-contrat, et se réfère à leur poids dans le chiffre d’affaires sans spécifier s’il s’agit d’un chiffre d’affaires réalisé ou estimé pour l’avenir, et avance un portefeuille commercial quantifié suivant une méthode non explicitée;
— le communiqué du 1er décembre 2011 mentionne la signature le 30 novembre 2011 d’un Memorandum of understanding portant sur 40 Skylanders et définit cet accord comme « un accord de volontés formel, préalable à un contrat de vente. Avant-contrat préparatoire signé entre deux parties, destiné à exprimer les principaux éléments de la volonté des parties et à poser les principes de la négociation du futur contrat ». Le communiqué ajoute que « Cette annonce porte le nombre total d’avions sous accords protocolés à 151 Skylander (dont 10
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commandes), ce qui représenterait un chiffre d’affaires potentiel de 700 millions d’euros ». Ce communiqué, bien qu’il rappelle la signification de l’acte juridique qu’il annonce, se réfère à des « avions sous accords protocolés », à des commandes et à un chiffre d’affaire potentiel quantifiés suivant une méthode non explicitée ;
— le communiqué du 2 février 2012 se réfère au même acte en date du 30 novembre 2011, ajoute que les 40 avions « représenterai(en)t un chiffre d’affaires potentiel de 260 millions de dollars » et annonce une signature du contrat de vente prévue au premier trimestre 2012. Ce communiqué ne comporte pas de précision tenant à la notion d’avant- contrat ni au mode d’établissement du chiffre d’affaires potentiel indiqué;
— le communiqué du 22 février 2012 annonce un Memorandum of understanding portant sur 2 Skylanders, exprime « un succès commercial confirmé » et énonce : « Depuis le Salon du Bourget 2011, le ryhtme de signatures avec les opérateurs de transport aérien s’intensifie : elles portent, à ce jour, le nombre total d’accords commerciaux à 413 avions, dont 10 commandes ». Ce communiqué ne comporte pas de précision quant aux notions d’avant-contrat et d’accord commercial ni quant au mode d’établissement des chiffres annoncés.
Il apparaît que les communiqués ci-avant examinés revêtaient, au jour de leur émission, un caractère imprécis, inexact ou trompeur, ce qui est de nature à engager la responsabilité des Défendeurs.
3-Sur les capacités de production du Skylander Les Demandeurs invoquent que l’information concernant les capacités de production du Skylander étaient fausses et trompeuses.
Il est constant et il ressort de l’examen des pièces produites que les Défendeurs ont émis les communiqués suivants :
— le communiqué du 10 août 2009 annonce une mobilisation pour la finalisation des plans de l’usine et afin de disposer de toutes les autorisations pour pouvoir commencer la construction de l’usine d’assemblage avant la fin de l’année ;
— le communiqué du 28 juillet 2010 informe de ce que la phase d’industrialisation est lancée avec la découpe des premiers copeaux chez Baccarat Précision en Lorraine à la fin du mois d’avril 2010 ;
— le communiqué du 13 août 2010 évoque une phase d’accélération, avec le passage de 60 à 150 employés ;
— le communiqué du 30 novembre 2010 indique que la procédure d’appel d’offre pour la construction de l’usine d’assemblage a été lancée, en vue d’une production, entre 2012 et 2018, de 9 avions par mois en rythme de croisière ;
— le communiqué du 10 juin 2011 fait connaître que la production de pièces a commencé chez les fournisseurs, pour un assemblage final prévu pour débuter au quatrième trimestre 2011 et pour un premier vol
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prévu au cours du second trimestre 2012 ;
— le communiqué du 1er février 2012, corroboré par des articles de presse locale et une dépêche AFP (pièce n°67 Défendeurs), fait étatde l’inauguration, le 13 décembre 2011, du hall d’assemblage, de l’installation des premiers bâtis et de la présentation de la future usine de production des avions de série par la SEBL, responsable de l’appel d’offres, et la société Perthuy Constructions, retenue en tant que maître d’œuvre du complexe industriel dédié à l’assemblage des avions de série ;
— le communiqué du 16 mai 2012 annonce un recul du chiffre d’affaires du pôle aviation et des retards de financement.
De l’examen global des informations contenues dans les communiqués ci-avant, il apparaît qu’y sont seulement données des indications concernant les étapes, entre août 2009 et février 2012, de la conception, de l’appel d’offres, et de la construction des premiers éléments de l’usine destinée à la production du Skylander, les effectifs employés dans ce cadre, et l’état de la production de pièces chez les fournisseurs, avant la communication d’informations sur des difficultés financières en mai 2012. Il ne s’en déduit pas de caractère imprécis, inexact ou trompeur de ces informations à la date de leur diffusion.
4-Sur les perspectives et objectifs de production du Skylander Les Demandeurs font valoir que les communiqués du 1er février 2012, du 13 avril 2012, et du 16 mai 2012, déjà mentionnés au 1- ci-avant, étaient trompeurs en ce qu’ils portent sur des objectifs de production maintenus quoique devenus irréalisables compte tenu de l’estimation faite des besoins de financement d’après les Experts mandatés par l’Etat.
Les mêmes motifs que ceux développés au 1- ci-avant conduiront à rejeter ce moyen, dans la mesure où ni le désaccord entre les Défendeurs et l’Etat sur l’estimation du financement global nécessaire, ni la poursuite de négociations avec l’Etat et la recherche de financements alternatifs, n’avaient pour conséquence de rendre irréalistes, à la date de ces communiqués, des perspectives et objectifs de production formulés pour les deux années à venir.
5-Sur la date prévue pour la livraison du Skylander Les Demandeurs invoquent que les prévisions de premières livraisons du Skylander, indiquées sans tenir compte d’une durée moyenne de certification de l’ordre de 5 ans, s’appuyaient sur de fausses données et revêtaient donc un caractère trompeur.
Il ressort des pièces contradictoirement débattues que les communiqués de presse du 15 juin 2009, du 10 août 2009, du 19 novembre 2009, du 28 juillet 2010, du 13 août 2010, du 30 novembre 2010, du 15 mars 2011, du 21 juin 2011 et le document de référence du 7 juin 2011, prévoient une livraison en 2012. De manière singulière, le communiqué du 10 juin 2011 prévoit une première livraison en 2013. Cette même année est retenue par le communiqué du 1er décembre 2011. Trois communiqués, datés du 1er février 2012, du 22 février 2012 et 16 mai
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2012, indiquent une date de première livraison reportée à 2014.
Il est constant que la certification du Skylander a débuté le 8 juin 2010 et que la réglementation alors en vigueur prévoyait un délai de 3 ans à compter de la demande initiale pour l’obtention d’une certification.
Les Demandeurs, qui soutiennent que le Skylander ne pouvait pas être livré avant l’obtention en juin 2015 de leur agrément, concèdent que la demande de certification peut prendre entre trois et cinq ans, mais mettent en exergue que cette certification est précédée d’un autre agrément, le DOA (Design Organisation Approval), qui nécessite selon eux entre six mois et deux ans d’enquête.
Les Demandeurs n’établissent pas que ces délais soient incompressibles.
Au demeurant, les communiqués du 15 juin 2009, du 10 août 2009, du 19 novembre 2009, annonçant une date de prévision de livraison avant même tout dépôt de demande de certification, qui n’est intervenu que le 8 juin 2010, ne peuvent qu’être qualifiés d’imprécis, inexacts ou trompeurs, en tant qu’ils manquent de base factuelle à la date de leur émission.
Ce manquement constitue une faute de nature à engager la responsabilité des Défendeurs, sans que le surplus des moyens des Demandeurs se rapportant aux annonces ultérieures de premières livraisons puisse être accueilli.
6-Sur le carnet de commandes du F-406 Les Demandeurs considèrent que les annonces faites le 15 juin 2009, le 10 août 2009, le 7 juillet 2010, le 28 juillet 2010, le 13 août 2010, le 9 décembre 2010 et le 12 août 2011 concernant les commandes étaient trompeuses car faisant croire à une augmentation de sa production et portant sur des commandes insuffisamment fiabilisées.
Les moyens formulés au titre des communiqués émis par la SOCIETE GECI AVIATION, non attraite en la présente instance, ne pourront qu’être rejetés.
Par conséquent, seuls les communiqués du 15 juin 2009, du 10 août 2009, du 13 août 2010 et du 12 août 2011, émis par la SOCIETE GECI INTERNATIONAL et son Dirigeant, seront examinés :
— le communiqué du 15 juin 2009 porte sur « deux protocoles d’accord » et annonce « 10 commandes d’avions pour un montant de 60 millions de dollars », dont 6 F-406 et 4 Skylanders et se réfère en sus à des « négociations en cours (180 appareils dont 70 pour le F-406 et 110 pour le Skylander) ». Ce communiqué mentionne le nombre de commandes et un montant global sans indication supplémentaire tenant aux notions d’avant-contrat et aux modes d’établissement des chiffres annoncés ;
— le communiqué du 10 août 2009 annonce « 8 commandes fermes et options pour son avion F-406 ». Ce communiqué ne précise ni le cadre contractuel des commandes ni le mode d’établissement des chiffres
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annoncés ;
— le communiqué du 13 août 2010 mentionne que « le groupe dispose aujourd’hui d’accords protocolés pour un total de 29 avions, 15 F-406 et 14 Skylander SK 105, et qui représentent un portefeuille de près de 150 millions d’euros ». Ce communiqué ajoute, s’agissant plus particulièrement du programme de F-406 « les résultats du renforcement de l’entreprise se traduisent aujourd’hui pas un nombre d’avions en protocole de 15 avions dont le protocole d’accord portant sur 10 avions pour un client chinois signé en juillet dernier, qui est venu s’ajouter au portefeuille commercial qui comprend aujourd’hui 217 avions ». Ce communiqué mentionne 15 F-406 faisant l’objet d’accords protocolés sans définir la notion d’avant-contrat et avance un portefeuille commercial quantifié suivant une méthode non spécifiée ;
— le communiqué du 12 août 2011, qui se réfère à un « salon du Bourget exceptionnel, qui permet de totaliser 68 avions en protocoles ou commandes, dont 51 Skylander (…) et 17 F-406 », n’apporte de précision ni sur les notions d’avant-contrat et de commandes ni sur la méthode suivie pour l’établissement des chiffres annoncés.
Il apparaît que les communiqués précités revêtaient, au jour de leur émission, un caractère imprécis, inexact ou trompeur, ce qui est de nature à engager la responsabilité des Défendeurs.
IV-Sur le moyen tiré de circonstances extérieures Les Défendeurs soutiennent que le seul défaut de réalisation ultérieur d’un événement annoncé dans un communiqué ne suffit pas à établir le caractère erroné de ce dernier.
Le caractère imprécis, inexact ou trompeur des informations diffusées, lorsqu’il a été retenu, ne l’ayant été qu’au terme d’un examen de leur teneur au jour de la diffusion, le moyen ne pourra qu’être rejeté.
V-Sur le préjudice Les Demandeurs, consécutivement aux fautes retenues, peuvent prétendre, non pas à la différence entre le prix de vente et le prix qu’ils auraient obtenu en l’absence d’information erronée, mais à l’indemnisation du préjudice résultant de la perte d’une chance de prendre une décision fondée sur des éléments exacts. Ainsi, le préjudice subi par les actionnaires consiste en la conservation de l’action aux perspectives prometteuses surévaluées.
D’une règle de jurisprudence constante, il résulte que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle était réalisée (Cass. 2e civ., 9 avril 2009). En matière de diffusion d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses, l’indemnisation forfaitaire est de règle (CA Paris, 9e ch. sect. B, 31 octobre 2008.).
En l’espèce, il apparaît que, lors de l’acquisition par les Demandeurs de leurs actions, ces dernières avaient une valeur d’acquisition allant de 2,02 euros à 6,51 euros l’action. Les pièces contradictoirement débattues indiquent que lors de la reprise de la cotation le 11 mars
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2016, l’action valait 0,42 euros, et qu’au début de l’année 2018, elle valait 0,25 euros.
Ces éléments et la nature des manquements retenus conduiront à fixer une valeur de 0,85 euros l’action. Il s’ensuit, pour chacun des Demandeurs, les indemnités suivantes :
— Pour étenteur de 22.860 actions : la somme de 19.431 euros ;
— Pour détenteur de 55.014 actions : la somme de 46.761,90 euros ;
— Pour détenteur de 33.192 actions : la somme de 28.213,20 euros ;
— Pour , détenteur de 307.842 actions : la somme de 261.665,70 euros ;
— Pour détenteur de 23.722 actions : la somme de 20.163,70 euros ;
— Pour Monsieur détenteur de 35.000 actions : la somme de 29.750 euros ;
— Pour M. , détenteur de 35.499 actions : la somme de 30.147,15 euros ;
— Pour M. , détenteur de 13.515 actions : la somme de 11.487,75 euros ;
— Pour M. , détenteur de 14.793 actions : la somme de 12.574,05 euros ;
— Pour , détenteur de 36.100 actions : la somme de 30.685 euros ;
— Pour , détentrice de 28 771 actions : la somme de 24.455,35 euros ;
— Pour détentrice de 8.943 actions : la somme de 7.601,55 euros ;
— Pour , détenteur de 8.934 actions : la somme de 1.593,90 euros.
Les Défendeurs seront condamnés B C au paiement des sommes précitées, qui porteront intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.
VI-Sur la demande reconventionnelle au titre du préjudice d’image Les Défendeurs, pour solliciter reconventionnellement la condamnation B C des Demandeurs, soutiennent que ces derniers ont mené une campagne de dénigrement avant d’engager la présente instance.
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Le fait pour des actionnaires s’estimant lésés d’exprimer leurs griefs par voie de presse, par le biais de courriers à l’Autorité des marchés financiers ou de se chercher à se réunir en vue d’une action en justice, sauf à démontrer la mauvaise foi ou l’intention de nuire, ne présente pas de caractère fautif en soi.
La demande de ce chef sera donc rejetée.
VII-Sur les autres demandes L’issue du litige, l’équité et la situation financière des parties conduiront à faire application de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre duquel les Défendeurs seront condamnés B C à payer la somme de deux mille euros à chacun des Demandeurs.
Les Défendeurs, qui succombent principalement à l’instance, seront condamnés B C à supporter les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
L’exécution provisoire, nécessaire, a lieu d’être ordonnée.
PAR CES MOTIFS, Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et rendu par mise à disposition au Greffe :
REJETTE les moyens en défense tirés du défaut de fondement juridique de l’action et de la prescription de l’action à l’égard de M. Z Y ;
CONDAMNE B C la SOCIETE GECI INTERNATIONAL et M. Z Y à payer, en indemnisation de la perte d’une chance résultant pour les actionnaires de la diffusion d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses : – : la somme de 19.431 euros ; – : la somme de 46.761,90 euros ; – : la somme de 28.213,20 euros ; -à : la somme de 261.665,70 euros ; -à : la somme de 20.163,70 euros ; -à : la somme de 29.750 euros ; -à : la somme de 30.147,15 euros ; -à : la somme de 11.487,75 euros ; -à : la somme de 12.574,05 euros ; -à : la somme de 30.685 euros ; -à : la somme de 24.455,35 euros ; -à : la somme de 7.601,55 euros ; -à : la somme de 1.593,90 euros.
DIT que les sommes qui précèdent porteront intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;
REJETTE la demande reconventionnelle formée par la SOCIETE GECI INTERNATIONAL et M. Z Y au titre du préjudice d’image ;
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CONDAMNE B C la SOCIETE GECI INTERNATIONAL et M. Z Y à payer à chacun des Demandeurs de la cause la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE B C la SOCIETE GECI INTERNATIONAL et M. Z Y à supporter les dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.
Fait et jugé à Paris le 02 Mars 2020
Le Greffier La Présidente
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GECI International: la Cour d’appel confirme le jugement
Boursorama : Cercle Finance•25/01/2022 à 18:13
Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2020, n° N° RG 16/15248 –> Décision.pdf à télécharger
URL sur le Site de Doctrine : 1re plateforme d’intelligence juridique
Liens Publics :
Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2020, n° N° RG 16/15248
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Numéro(s) : N° RG 16/15248
TJ Paris, 2 mars 2020, n° N° RG 16/15248. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/TJ/Paris/2020/UE2E68EC4DE9E95EDCFC4
Autres décisions de cette affaire :
T. com. Paris, 2 oct. 2020, n° J2019000061. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/TCOM/Paris/2020/U1E8F0AE8623EE71199ED
T. com. Paris, 1er févr. 2019, n° 2018018468. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/TCOM/Paris/2019/UC212D88AAB67466451D0
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